Hermann Nitsch, co-fondateur de l’actionnisme viennois

Artiste cofondateur de l’Actionnisme viennois (avec Günter Brus, Otto Muehl et Rudolf Schwarzkogler), Hermann Nitsch conçoit dès 1959 le projet d’œuvre d’art totale « Orgien Mysterien Theater » (« théâtre des mystères orgiaques »), une forme radicalement nouvelle de théâtre « fait pour le réveil des nerfs, pour raviver l’entendement ». Ce projet est réalisé à partir de 1962 sous la forme d’actions dramatiques et blasphématoires reconstituant des rituels cathartiques et dionysiaques, qui mettent en scène la vie, la mort (l’abattage réel d’animaux dont le sang est étalé sur d’immenses toiles, devant des spectateurs locaux qui sont autant d’acteurs et improvisateurs), la sexualité et ales mythes religieux.

La démarche de Nitsch prend racine dans la recherche d’une authenticité de l’expérience. Cette approche n’est pas entièrement nouvelle puisque déjà à la fin des années 1940, Jackson Pollock avait « détruit » la peinture traditionnelle: ses toiles étalées sur le sol de son atelier lui permettaient de bouger littéralement dans l’image et de travailler dans l’espace pictural. À ce propos, le critique d’art américain Harold Rosenberg, évoquant ce travail, parle de la toile en tant qu’« arène », et de la peinture en tant qu’« événement », où la peinture devient action. Si beaucoup estiment que Nitsch fait partie de l’actionnisme viennois cela fait longtemps qu’il a dépassé tout « mouvement » identifiable pour se consacrer à un art clinquant, radical et clivant, qu’il peut clamer comme étant uniquement sien.

L’influence de la peinture religieuse

Parallèlement Nitsch développe un travail pictural important: influencé par la peinture religieuse, avec ses représentations de martyrs, son œuvre de référence est le Retable d’Issenheim, de Matthias Grünewald, représentation polyptyque du Christ à la fois transi de douleur et corps glorieux renaissant. Cette dualité est toujours patente dans son travail, qui s’inscrit dans un cycle où naissance et mort se rejoignent. Logiquement le rouge devient la couleur la plus omniprésente de toute son œuvre: le rouge est à la fois la couleur de la vie et de la mort.

Plus récemment il a ajouté à sa palette historiquement composée de noir et de rouge un jaune éclatant dont les bords, tracés avec les doigts, peuvent rappeler les champs de blé de Van Gogh et de Monet. Le jaune est également un symbole de lumière, celle née dans la déchirure originelle du big bang, et sous laquelle on peut entrevoir la première couche de sang.